Notes hebdomadaires #58 — Mais pourquoi au fait ?
À quoi bon écrire des notes hebdomadaires ? Je me penche et m’épanche sur le sujet.
Je n’ai pas grand chose à partager en termes de liens pour cette semaine, parce qu’il m’est arrivé un bouleversement personnel, source de beaucoup d’émotions fortes, que je n’avais pas anticipé. J’ai envie d’en parler, sans trop en parler — si vous voulez les détails et qu’on est assez proches, vous saurez où me joindre pour en parler, plutôt de vive voix.
Je bute sur la sagesse populaire : les mêmes causes impliquent les mêmes conséquences. Pensée fugace pour mon prof de lycée en philosophie, tendance intello-snob :
« Dans les sagesses populaires, il y a souvent plus de populaire que de sagesse. »
Mais ce chamboulement pose l’ultime (remise en) question de mes actions : pourquoi je fais ce que je fais ? Toutes ces habitudes, toutes ces pratiques répétées autant de fois, à quoi servent-elles ? Me servent-elles, ou sont-elles force de l’habitude ? Que font-elles pour moi ? L’intensité de ce quotidien, si rapide, si prenant, me fait perdre cette perspective, me plonge dans l’écume des jours. Pilote automatique, sauf à certains rares moments de respiration, qui se transforment vite en moments de réflexion, de remise en question.
donc, pourquoi des notes hebdos
Je n’ai rien inventé : j’ai copié les approches de (notamment) Alexis et Julie, avec un patron similaire, pour commencer : d’une part, ce qui m’était arrivé et comment je l’avais vécu ; ensuite parler de mes projets, puis des liens que j’ai vus passer. En réalité, le format est libre. Tout est à inventer. D’autres parleront plus en détails de leurs vies, ou de leurs performances sportives, ou de ce qui est les passionne. Chaque format est source d’inspiration, et passionnant à découvrir et à lire.
J’aimais beaucoup l’idée de parler de ce qui m’était arrivé, de mon quotidien au format hebdomadaire. Comme une carte postale envoyée au monde, notamment pour maintenir une connexion avec tou·stes ces potes délaissé·es dans ma ville d’origine, celleux qui sont loin. Partager mon monde intérieur aussi, même avec celleux qui sont proches, car iels ne peuvent pas toujours être là, ne peuvent pas toujours lire à travers les mailles de mon introversion.
Avec tous les désavantages d’une carte postale, également : tout est public. Le concept de jardin secret n’existe plus vraiment, car tout est absolument public pour tout le monde. Je crois avoir la chance de ne pas compter beaucoup d’ennemi·es (dévoilé·es, en tous cas), mais un ami me raisonne à juste titre que tous mes partages associés à mon patronyme deviennent aussi des armes qui s’accumulent pour des futur·es ennemi·es, notamment des potentiels futurs gouvernements fascistes. À raison, probablement. Le choix le plus prudent a toujours rétroactivement raison, mais le choix le plus prudent a aussi le défaut ici d’être source d’inaction, initiatrice du désespoir. Je continue de partager des liens en rapport parfois avec mes combats militants, mes centres d’intérêts, en m’imaginant que je n’aurai jamais assez d’importance pour être une cible. Espérons que le futur m’accorde cela ; en tant qu’homme blanc cis, j’ai le privilège de ne pas trop m’en inquiéter.
Par ailleurs, ce caractère universel du partage ne pratique pas de ségrégation entre celleux qui me connaissent de près, et les parfait·es inconnu·es. Par conséquent, je me retrouve dans une position de vulnérabilité très forte face à des gens que je n’ai jamais rencontré·es. C’est cette vulnérabilité qui appelle à l’empathie, MAIS. En l’évoquant sur Mastodon, on me répond parfois apprécier et éprouver de la connivence, mais aussi imaginer une forme de gêne à l’idée de me rencontrer « pour de vrai ». L’asymétrie de l’échange rend cette correspondance para-sociale. J’imagine la même asymétrie entre des stars et leurs fanzouzes. Ma célébrité se mesurant à environ 34 abonnements au flux RSS de mes notes, la comparaison s’arrêtera là.
Je me gêne de cette asymétrie, et au courant de l’année, décide de supprimer la plupart de mes résumés « intimes » de ces semaines qui s’écoulent. Je me tourne vers un format plus factuel, plus orienté partage d’informations. Tant pis ; celleux qui veulent des nouvelles n’ont qu’à m’en demander. Aujourd’hui, je rétablis cette asymétrie, le temps d’une futile publication. Je ne me suis pas encore décidé si cette réflexion entrecoupera mes notes, ou les achèvera, du moins pendant un temps. C’est OK, c’est moi qui instille mes propres règles ici.
On en arrive donc à une autre motivation, celle de la réappropriation du Web . Ces 10 à 20 dernières années, les plateformes algorithmiques nous ont imposé un format d’expression : 500 caractères max ici, 80 ou 160 là-bas chez les nazis, un format si court que les messages doivent se suivre, former des fils, en réalités des chaînes. On se met à confondre « page Facebook™ » et « site Web ». On m’assure que des cafés du coin publient leurs agendas sur leurs sites, quand il s’agit de leurs pages Instagram™. On publie selon les desiderata des algorithmes, selon des formats attendus, pour finir noyé·es dans une liste infinie de pièges à dopamine. Et nous on arrive avec nos petits chevaux, nos notes hebdo, sur nos blogs personnels, on cultive notre petit jardin numérique, notre petit bout de Web, on fait tourner ça entre afficionados. Entre humain·es, loin du bruit des bots (si apprécié des techno-fascistes), des IAs génératives, des algorithmes de recommendations. Façonnons ce coin comme il nous fait envie ! Exprimons notre créativité, notre liberté, (é)coulons l’encre de nos cœurs comme on le désire. Reprenons le pouvoir aux plateformes en asseyant notre puissance.
Par ailleurs, pour moi qui ne bloggue pas beaucoup car trouver des sujets ou m’étendre sur lesdits sujets pouvant être chronophage (malsain perfectionnisme oblige), je ne le fais pas régulièrement. Les notes hebdomadaires sont mon cheat code, et me permettent de publier plus fréquemment, tout en réduisant la « pression » / l’enjeu de blogguer. Encre numérique / ancre numérique. Quelque chose que je peux pointer du doigt. Diantre, j’ai même célébré plus tôt la 50ème édition au cours de l’année. Pour moi qui n’arrive pas à maintenir une Bonne Habitude™ plus de 3 jours à la suite, c’est une petite victoire sur mon attention gesticulante, vacillante et foisonnante.
Je me suis très froidement posé la question de l’utilité de ces notes dans un contexte professionnel. Pourraient-elles me servir à obtenir un autre travail, quand le besoin sera là, quand le moment sera venu ? Je ne pense pas. Même si ces notes peuvent exposer ma veille technologique, elles montrent beaucoup aussi qui je suis, (in)directement, et je ne crois pas vouloir arborer en pleine face de mes employeur·ses (même si l’information leur est disponible en quelques coups de cuillères à pot clics de souris, la plupart ne feront pas l’effort d’aller aussi loin). À quel point est-ce important de segmenter cela, étant donné que cette identité resurgira à la première occasion ? Ma réflexion n’est pas terminée là-dessus, mais clairement, ce n’est pas ma motivation à l’heure actuelle ; le personal branling attendra.
Concrètement, qu’est-ce que ça m’apporte, en dehors de ces motivations intrinsèques ? Peut-être quelques commentaires positifs par ci par là, sur Mastodon, parfois en privé, souvent des mêmes personnes, des mêmes profils. C’est OK. Je crois que ne pas rechercher de récompense extérieure, c’est assez sain et bénéfique, d’autant plus dans une époque où les réseaux sociaux semblent nous pousser perpétuellement à la comparison sociale.
Ces notes hebdomadaires n’assouvissent généralement pas mon envie pédante d’écriture savante, ce soir étant l’exception 🤓 Je n’apprécie pas la contrainte en général, et très vite la routine devient contrainte. Le sort de ces notes hebdomadaires est donc incertain. Honnêtement, je n’ai pas plus de certitude après avoir écrit ce pavé. Se pose aussi la question du coût d’opportunité : qu’est-ce que je pourrais faire pour moi à la place de passer ces 30 minutes par semaine à écrire ces notes ? Page blanche immédiate ; synonyme de possibilités, de réinvention, d’horizons chatoyants.
D’aucuns diraient que j’ai trop de temps libre, pour me concentrer sur ce genre de réflexions — mais ils se trompent. Mes micro-obsessions sont un trait qui me caractérisent. Ces notes reflètent une part de moi (et pourtant ! je ne vous partage pas tout non plus), cette réflexion constitue aussi une part de moi, ce site est une part de moi.
Je souhaite que cette part de moi fasse aussi résonner une part de vous ; sur vos blogs, dans nos échanges.
⚒️ Des projets
- me déconstruire.
- me reconstruire.
📺 Regardé
- Fini « Les carnets de l’apothicaire », un anime très chill sur Netflix (saison 1) / Crunchyroll (saison 2), avec une protagoniste au moins aussi intelligente qu’introvertie. Beaucoup de scènes assez dérangeantes représentant des dynamiques de domination, mais de nombreuses galipettes narratives nous évitent un scénario romantique trop évident et attendu, au moins.
🎧 Écouté
- Talia Rae — No surprises.
- Antony & The Johnsons — Hope there’s someone. Tellement d’admiration pour ce tremolo dans la voix, présent du début à la fin de la chanson. Juste si bien écrit, si intense.
- The cinematic orchestra — To build a home.
- Damien Rice — The blower’s daughter.
- AG — No expectations.
- Woodkid — In your likeness.
🎮 Joué
- Hadès 2 est sorti en version 1.0. Je répète. Ceci n’est pas un exercice. Blague à part, j’apprécie de pouvoir enfin avancer dans l’histoire, même si je galère toujours autant à progresser sur les combats.
👀 Au passage
- Je découvre le sens du terme coasting, littéralement « en roue libre » en anglais, et en apprécie qu’il porte à la fois une signification positive ou négative : être en roue libre c’est se mouvoir sans effort, mais sans effort ça signifie aussi sans engagement, sans implication personnelle — détaché, donc. Ce terme, en anglais, peut aussi bien s’appliquer à des relations interpersonnelles, mais aussi au comportement d’employé·es au sein d’une entreprise (honnêtement, c’est tout le mal que je vous souhaite), ou encore des client·es d’une entreprise.
- Reality Checkk, un petit quizz en ligne où vous devez indiquer si une image a été générée par IA ou est authentique. J’ai eu 55% de réponses correctes cette semaine ; c’est fou comme c’est dur…