Des idées folles pour faciliter le développement sous Cozy
Récemment, sur le forum de CozyCloud, Clochix (employé de l’entreprise CC), demandait comment l’on pourrait faciliter le développement d’applications pour Cozy. Bonne initiative ! J’ai essayé de structurer un peu mes idées dans le forum d’abord, mais comme ça devenait beaucoup trop long, j’ai préféré écrire ce post, vu que j’ai beaucoup de commentaires :)
Parmi ces commentaires, il y a beaucoup d’idées saugrenues, sûrement difficiles à implémenter, mais je fais le pari que si je les écris ici, elles pourront inspirer les lecteurs, qui crééeront leurs propres idées à partir de celles-ci, ou en les fusionnant, etc. Les idées appartiennent à tout le monde !
Du statique
Tout d’abord, il me semble primordial de permettre de développeur sur
son cozy depuis son cozy. Pour commencer, on pourrait partir avec un
site statique et un éditeur de texte. Imaginons un instant un
répertoire spécial www
par exemple, accessible depuis Files. Une
nouvelle application ferait office de serveur statique, et pourrait
servir tous les fichiers présents dans ce répertoire www
sur une
adresse publique. Ensuite, une autre application saurait ouvrir tous les
fichiers textes importés dans Files et les éditer directement. Avec ces
deux choses, on a la possibilité de créer son site statique et le
modifier directement depuis son cozy. Cela me paraît une bonne
première étape !
L’intégration d’outils comme WebMaker pourrait même permettre de créer des sites facilement pour les débutants, et de propager l’apprentissage des technologies web auprès du grand public.
Des outils de développement
Ensuite, comme le dit @Clochix, réduire le nombre d’outils à utiliser pour le développement. A l’heure actuelle, quand je veux modifier Kresus (mon application de finances personnelles hébergée sur cozy) depuis ma machine de tous les jours, je dois :
- lancer la VM de développement dans le bon répertoire, ce qui prend facilement 2 minutes (vérification de l’image, timeouts malheureusement réguliers sur le SSH, etc.)
- aller dans le répertoire de Kresus depuis la machine hôte
- lancer
cozy-dev deploy 9876
(parce que le cozy de dev ne se souvient pas que j’ai pu faire un deploy auparavant… peut-être que ça vaut un bug ?). C’est instantané, mais c’est redondant de le faire à chaque fois ! - lancer kresus
Si jamais je veux modifier kresus depuis une nouvelle machine, je dois en plus de ça télécharger et installer la VM (ce qui peut facilement prendre 10 minutes, en fonction du débit et de la puissance de la machine).
Dans un monde idéal de développement d’applications pour Cozy, j’aimerais avoir à faire simplement :
- lancer kresus
C’est-à-dire qu’il y ait une machine toute prête pour le développement. Peu m’importe l’implémentation :
- que ce soit via le serveur de production, qui utiliserait une deuxième base couchdb (si cette notion a du sens ?) pour ne pas écraser les données de l’instance de production;
- que ce soit via cloud9 ou tout autre système de dév avec VM intégrée en ligne;
- que ce soit via une app de VM sur le cozy (qemu.js, quelqu’un ?);
- [insérez d’autres idées folles ici];
Allons plus loin : si j’ai la possibilité d’avoir un éditeur de code directement dans cozy (coucou vim.js), pourquoi ne pas modifier à la volée mes apps, côté client comme côté serveur, et recharger directement depuis le cozy ? Cela permettrait d’avoir des retours encore plus rapides sur le processus de développement (et de trouver plein de bugs de cozy-controller, si jamais il en y avait certain de bien planqués !).
Du portage
Je désigne par portage le fait de prendre du code d’une app déjà existante et d’essayer de le porter sous Cozy.
Pour moi, le plus gros problème du portage est sûrement le fait qu’il
faille réécrire toutes les URLs, côté client. De nos jours, assez
souvent, les applications web supposent qu’elles ont accès à un domaine
ou un sous-domaine entier, et pas qu’elles vont vivre dans un
sous-répertoire particulier (sauf en PHP, sigh). Par exemple, le système
de blog Ghost suppose qu’il vit dans http://ghost.example.com
, pas
dans http://example.com/ghost
, sauf contre-indication. Du coup, la
plupart des URLs doivent être réécrites, et c’est souvent assez
difficile ou obscur de trouver où sont ces dernières.
Bien sûr, il y a des solutions :
- un sous-domaine par app, mais ça pose des problèmes pour les certificats SSL vu qu’il faut des certificats avec wildcard sur les sous-domaines, mais heureusement LetsEncrypt devrait sortir en septembre;
- utilisation de service workers pour réécrire toutes les URLs commandées par le client, côté client : beurk, mais efficace;
L’autre problème du portage est l’intégration des données : même s’il est faisable d’intégrer les données d’apps existantes pour qu’elles vivent dans le couchdb du cozy (voir dernière partie), cela n’assure pas de créer facilement des interactions entre les données des apps existantes et des apps portées. Quand bien même l’on voudrait rajouter ces interactions, il faut modifier l’interface utilisateur de l’app portée (difficile), ou bien le faire depuis une autre app (étrange en termes d’interaction utilisateur). Le portage n’est pas un problème simple (et ce n’est vraiment pas la faute de Cozy, c’est inhérent à tous les clouds personnels, à mon avis).
Des choix technologiques
Le blog de N` lit : “[…] je regrette certains choix techniques et les conséquences associées. CouchDB n’est plus très populaire ces derniers temps.”. A vrai dire, quelle que fût la technologie utilisée comme backend, on aurait pu trouver ces remarques, avec “postgre”, ou “mongo”, ou n’importe quel autre produit à la place de “couchdb”. Et ce n’est pas que la dite technologie est mauvaise, loin de là ; c’est simplement que les différents auteurs d’app voudront utiliser des technologies différentes.
Personnellement, l’utilisation de CouchDB m’a demandé un effort initial (à cause du système de vues) que ne m’aurait pas demandé une bête base de données SQL. Ce n’est pas pour autant quelque chose de difficile, mais c’est quelque chose de nouveau, et l’amas de nouveaux concepts liés au développement dans Cozy peut être un frein.
Et qu’il s’agisse de la base de données ou du langage, le problème dans les deux cas est la dispersion : plus d’outils, ça signifie plus de maintenance nécessaire, plus de vecteurs d’attaques, etc. Pourtant, combien de personnes adoreraient développer une app pour Cozy, mais ne le font pas parce qu’il n’est pas possible d’écrire sa web app en Python, Erlang, Haxe, allez soyons fous, PHP ? Combien de projets ne sont pas portés, pour les mêmes raisons ? Avec la mode de la containerisation, sandboxer un interpréteur ou une VM est quasiment gratuit et pourrait permettre cette utilisation d’autres langages dans Cozy.
Pour le problème de la base de données, il y a plusieurs approches :
- juste installer plusieurs systèmes de gestion de base de données dans la plateforme (mongo, cassandra, whatever), mais ce n’est vraiment pas idéal, pour les raisons exposées ci-dessus;
- utiliser un protocole de stockage de données indépendant du langage, l’implémenter dans cozy puis écrire quelques bibliothèques de code réutilisables pour pouvoir utiliser ce protocole. C’est l’approche prise par ces bons gars de Mozilla avec Kinto, comme expliqué ici. En y réfléchissant bien, c’est presque l’approche prise par le système de données dans Cozy, vu qu’il utilise des appels à un point d’accès HTTP : la seule différence réside dans le fait que ces appels sentent et rappellent trop Couch;
- écrire un meta-adaptateur : une application qui comprenne les protocoles de plusieurs bases de données (de manière à ce que l’utilisateur puisse avoir l’impression de communiquer avec par exemple mongo, ou mariadb, indifféremment), et qui retranscrive cela en structures de données et requêtes couchdb. Je pense que c’est illusoire : vu que les différents systèmes de stockage peuvent assurer différentes parties du théorème CAP, beaucoup de fonctionnalités pourraient ne pas être équivalentes (ou ne pas être imitées de manière efficace).
De ce qui marche
Les mêmes problèmes se posent pour d’autres plateformes de cloud personnel comme OwnCloud et ne vont pas se résoudre du jour au lendemain. Chacune de ces idées demande un temps d’implémentation considérable (sauf peut-être le serveur statique et l’éditeur de texte – à croire que c’en est une bonne idée !), du temps pour tester de la part des utilisateurs et beaucoup de retours entre développeurs et utilisateurs. Pourtant, certains ont déjà été confrontés à ces problématiques et les ont résolues avec panache.
Un modèle en la matière est App.net (ADN pour les intimes), un réseau social centralisé mais qui assure de ne pas espionner les données des utilisateurs, en contrepartie d’un abonnement de quelques dollars par mois. Des apps pour ADN peuvent être créées par les utilisateurs très facilement, et il en existe de très bonnes. Qu’est-ce qui a attiré les développeurs pour créer des apps pour ADN ?
- une documentation exemplaire, avec de nombreux tutoriels, des présentations de l’API, plein de liens vers différents canaux de communications réservés aux développeurs, des articles de blog juste pour présenter des nouvelles APIs aux développeurs, des podcasts, etc. La documentation est open-source et peut être modifiée par n’importe qui, comme pour Cozy.
- une diversité au niveau des technologies utilisées pour écrire des apps clientes pour ADN : python, objective c, android, etc.;
- l’organisation de hackathons pour lancer des projets en commun, faire se rencontrer des développeurs et provoquer le démarrage de nouvelles apps;
- des articles de blog présentant des nouvelles apps pour ADN (n.b.: kresus n’a pas encore atteint ce niveau de maturité à mon avis);
- encore plus fou, un programme d’incentives pour le développement d’app. En gros, si votre application a été sélectionnée comme étant une des plus utiles à la communauté, vous recevez une part d’un budget alloué à la promotion du développement des nouvelles apps. C’est un argument pécunier, mais c’est sûrement ce qui a fait la différence entre ADN et tent, par exemple (tent est mort, vite tent).
A mon avis, les trois premiers points demandent un investissement relativement mineur et permettraient de donner un coup de pied au développement d’apps sous Cozy. Par ailleurs, Kresus cherche toujours de nouveaux contributeurs, si vous êtes intéressés, n’hésitez-pas à me contacter !
Si vous avez des remarques par rapport à cet article, je vous invite à m’en faire part sur twitter pour les remarques courtes ou sur le forum pour les remarques plus longues. Cheers !